Bonjour à vous deux, merci d’avoir trouvé le temps, dans votre été bien rempli, de répondre à nos questions. Commençons donc par l’incontournable : jouer en couple, c’est comment ?
Tania : Jouer en couple, d’abord, ça nous a permis d’avoir une vie de famille, parce qu’on s’est rendu compte qu’en travaillant ensemble, ça nous permettait simplement de passer plus de temps ensemble. Parce qu’au départ, on travaillait chacun de notre côté et on ne se voyait donc pas beaucoup.
On était curieux aussi, on avait envie de se rencontrer dans le travail.
Je suis consciente que ça ne fonctionne pas pour tous les couples mais pour nous ça a été une révélation. On a l’impression de travailler plus vite, de pouvoir aller plus loin.
Charlie : Seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin, disait je ne sais plus qui… Je crois que c’est un philosophe flamand du nom de Michel Kacenelenbogen, qui lui-même travaille avec sa femme ! Il faut rendre ce qui appartient à César. Il y a très peu de vies artistiquement et personnellement épanouies dans le paysage théâtral belge. Patricia et Michel ont réussi ce pari… Ils nous ont donné l’exemple, la preuve que travailler en couple était possible à long terme.
 
Vous qui jouez aussi souvent séparément, être ensemble, est-ce plus facile ou plus difficile ? N’y a-t-il pas un risque de tomber dans des automatismes ?
Charlie :
En fait, je crois qu’il n’y a pas de différences fondamentales entre la fiction et la réalité. C’est un de mes grands crédos. Je pourrais d’ailleurs développer cette question philosophique pendant des heures, mais en gros, c’est un pari de jouer ensemble comme c’est un pari de créer un couple et d’essayer que ça marche. Donc, des fois ça fonctionne, des fois pas. C’est aussi absurde que ça.
Par contre, je crois que quand le couple fonctionne plus ou moins, ça fait une chance supplémentaire que ça marche sur scène, parce que jouer, c’est s’abandonner et qu’il est plus facile de s’abandonner dans des bras dans lesquels on a l’habitude de s’abandonner.
Tania : La grande chance c’est que nous travaillons avec des metteurs en scène que nous admirons beaucoup. La vision d’un metteur en scène c’est ce qui nous motive, nous meut et nous permet de relancer les dés à chaque fois. Lorsqu’on a le regard intelligent et bienveillant d’un metteur en scène qu’on admire, eh bien, à chaque aventure on s’abandonne un peu plus et plus facilement parce qu’on se connaît. Nous avons aussi eu la chance de travailler sur presque tous nos projets avec Cachou Kirsh à l’assistanat à la mise en scène. Elle est prodigieuse, sa vision nous importe beaucoup. Elle nous connaît tellement bien et connaît nos objectifs, si on devait se perdre en chemin, elle est la meilleure des boussoles.
Les spectateurs nous disent souvent que la complicité entre nous est palpable. A la fois, on se connaît très bien, mais on se rencontre aussi sur un plateau, et ça, ça nous échappe totalement ce qui est à chaque fois assez magique.
 
Comment faites-vous pour rencontrer vos personnages ?
Charlie :
Par hasard… (rires)… Je dirais que ça se joue dans l’œil de l’autre. Je crois aux justes relations entre les personnages plus qu’aux personnages. Je pense qu’on ne sait pas créer un personnage tout seul. Il s’agit d’un personnage dans une situation, avec un partenaire. Et de nouveau, quand le partenaire est la personne avec qui on vit, c’est plus facile et quand la situation est clairement donnée par le metteur en scène, il n’y a plus rien à faire. Et ne rien faire, c’est vraiment ce qu’on peut faire de mieux dans notre métier.
Tania : C’est vrai que souvent le personnage émerge un peu malgré nous. A force de se rencontrer, de répéter, comme dit John Wayne : I don’t act, I react, et petit à petit, une forme se crée qui s’appelle un personnage qui découle de la vision du metteur ou de la metteuse en scène, de la rencontre des acteurs sur le plateau et de mille autres choses dont certaines nous échappent.
Souvent lorsque je lis un texte de théâtre en vue de le jouer, il y a une phrase en particulier qui résonne, comme si je m’étais déjà entendue la dire. C’est très étrange. Et cette phrase est souvent la connexion entre le personnage et moi. Ça peut être une phrase anodine, mais il y a comme un lien entre elle et moi. Et en répétitions ça se vérifie, je cherche à pleins d’endroits, je suis alignée sur cette phrase, le personnage est là. Je ne me l’explique pas.
 
Comme on le disait, votre été est bien rempli, entre autres par des tournages. Que faudra-t-il guetter pour vous découvrir sur les écrans ?
Tania :
En ce qui me concerne, j’ai tourné dans un long métrage de Solange Cirurel, une réalisatrice belge avec qui j’ai déjà tourné trois fois, elle est donc très fidèle. En 2016, j’ai joué dans Faut pas lui dire, en 2020 dans Adorable avec Elsa Zilberstein et dans son prochain film qui s’appelle T’inquiète.
C’est l’histoire d’une jeune fille harcelée à l’école qui fait une tentative de suicide. On enquête pour savoir ce qui s’est passé et j’incarne l’enquêtrice de police. J’ai le bonheur de jouer avec notre fille Lily qui joue la meilleure amie de la jeune fille et ça, c’est très émouvant. Emilie Dequenne et Stéphane De Groot font aussi partie du casting et jouent les parents de la jeune fille qui s’est fait harceler.
J’ai également tourné dans une série pour M6 : Serial hunter aux côtés d’Éric Cantona dans le rôle d’un expert en tueurs en série et dont je jouais l’ex-femme.
Charlie : Pour ma part, nous aurons essentiellement de la télévision à nous mettre sous la dent : sur TF1, je joue dans une série qui s’appelle Panda, à la tête de laquelle Julien Doré joue un flic « retiré des voitures » comme on dit dans le jargon et qui est cependant rattrapé par des enquêtes. Dans une de ces enquêtes, il tombe sur un suspect qui lui ressemble étrangement. J’ai en quelque sorte joué le sosie de Julien Doré.
Sur France 2, sortira bientôt Répercussions, l’histoire d’une bande de potes qui ont laissé l’un des leurs partir d’une fête complètement éméché et qui s’est tué. C’est, comme vous vous en doutez, un film assez dur.
Sur M6, sera diffusé très bientôt un film que j’ai terminé de tourner cet été, avec François-Xavier Demaison, qui s’intitule Le nouveau. Il s’agit d’une histoire dont j’ai eu l’idée pendant le confinement : un chef d’entreprise fait un AVC et ne sachant plus ni lire, ni écrire, il intègre une classe multiniveaux d’enfants de 10 – 12 ans et il va s’y faire un nouveau meilleur ami… de 12 ans. J’y partage l’affiche avec François-Xavier et Julie Gayet.
Et toujours sur M6, je retrouverai Tania Garbarski dans Serial hunter.
 
Avez-vous encore des projets ou des rêves dans lesquels on aurait le bonheur de vous voir ensemble sur scène ?
Tania :
On lit beaucoup. Des envies et des rêves, on n’en manque pas mais ce n’est pas encore assez avancé pour en parler.
Charlie : Oh oui, bien entendu !
Tania : On a décidé Charlie et moi d’avoir un rendez-vous au théâtre une fois par an. Pour le moment, il y a En attendant Bojangles qu’on va essayer de mener le plus loin possible. Il va tourner en Belgique en février mars, on voyagera peut-être avec ce spectacle en France.
Nous avons d’autres idées qui sont encore à l’état d’ébauche. Nous sommes entre autres en train d’essayer de trouver une bonne adaptation de Opening night de Casavetes et nous lisons quantité de pièces afin de choisir la prochaine. En dehors de la scène, nous écrivons une série. Ça s’appelle Seuls contre tous, un road movie familial.
 
Et quel est le secret de la solidité de votre union ?
Charlie :
Le mystère, au sens où Magritte entendait ce mot. L’entretien d’un rapport à la magie qui doit continuer à nous échapper… pour nous appartenir.
Tania : Pour une raison qui nous échappe, nous restons en effet encore un mystère l’un pour l’autre à bien des égards. On a beau se connaître depuis plus de 20 ans, Charlie continue de me surprendre. Et puis, nous avons des valeurs communes que nous chérissons et pour lesquelles nous n’avons pas eu besoin de nous accorder, ça facilite la vie au quotidien.
Et rire… Peut-être que si je ne devais dire qu’une chose ce serait ça : rire !
 
Comment faites-vous pour vous ressourcer ?
Charlie :
Faire du kitesurf et embrasser des arbres dans la forêt de Soignes…
Tania : Regarder nos enfants grandir, voyager. Vivre la vie des autres (dans mon métier) a toujours été pour moi un moyen de me ressourcer, mais apprendre à vivre dans mes propres baskets est un apprentissage de chaque instant. Et notre vie de famille m’a beaucoup appris là- dessus.
 
Vous arrive-t-il de prendre du temps sans avoir vos métiers à l’esprit ?
Charlie :
La vie est beaucoup plus importante que l’art. Mais vivre est un art.
Tania : Comment résumer en une phrase ce que je ressens, il est fort ! (rires). C’est exactement ça. Il est difficile dans nos métiers de mettre une frontière. Je ne peux pas vraiment dire que je prenne du temps sans avoir mon métier à l’esprit car tout et n’importe quoi peut être source d’inspiration ou de réflexion par rapport au métier. Le plus fou, c’est que j’ai envie de répondre que lorsque je joue, en représentation, je n’ai pas mon métier à l’esprit. Jouer, c’est le moment où je me fous le plus la paix dans la vie 😉.

Propos recueillis par Deborah Danblon.

A VOIR :
En attendant Bojangles du 22.08 au 09.09.23
Le canard à l’orange du 12.09 au 24.09.23