Pour la première fois, les spectateurs du Public vont pouvoir commencer à découvrir ton travail. Alors Julien, qui es-tu ?

Je m’appelle Julien Poncet et je dirige le Théâtre Comédie Odéon à Lyon. C’est un théâtre singulier dans le sens où sa programmation mêle écriture contemporaine et comédie. Si je dois insister sur une de ses particularités, je dirais que c’est un théâtre des auteurs vivants qui est uniquement financé par ses spectateurs. Ce qui est à la fois une difficulté, mais aussi une chance puisque cela me rend entièrement libre des spectacles que je peux programmer. J’ai la liberté de mettre en scène ce que je veux, au milieu d’autres camarades metteurs en scène qui viennent eux-mêmes créer leurs propres spectacles. On est donc dans un projet théâtral total, comme j’aime à l’appeler, qui nous permet d’envoyer des spectacles en tournée partout en France dans tous les types de théâtre. Grâce à cela, entre les théâtres publics et privés où l’on va jouer, scènes nationales ou cafés-théâtres, on marche sur deux jambes que nous avons pu réunir dans le même pantalon, et ça, ce n’est pas donné à tout le monde.

Comment es-tu arrivé au théâtre ? De quand date ta vocation ?

Bêtement, comme tant d’autres, par une prof de français quand j’étais ado. Elle nous a emmenés voir Peter Brook au TNP (Théâtre National Populaire à Paris). Le choc ! Révélation. Réorientation. J’ai oublié ma vocation de journaliste et je me suis tourné vers les métiers du théâtre dans leur ensemble. Je suis petit à petit devenu un vrai rat de plateau. J’aime tout : la mise en scène, les lumières, la formation des comédiens, le travail avec les auteurs, la programmation. J’aime le théâtre total, sans préférence pour aucune des fonctions. Vers 17 ans, j’ai monté une compagnie et on s’est lancés dans un spectacle adapté de Knock de Jules Romain. Et c’était parti. De rencontre en rencontre, je suis finalement arrivé au Théâtre Le Public. Je me suis d’abord retrouvé à mettre en scène des spectacles musicaux. Mais, parallèlement à ce cheminement, j’étais un fervent militant des droits de l’Homme. J’ai d’ailleurs fait une parenthèse dans mon parcours théâtral pour faire un bout de chemin dans le monde des ONG où j’ai travaillé un temps pour l’ONG Forum Réfugiés. Au bout d’un temps, j’ai commencé à me cogner aux murs de ce type de structures et je suis reparti vers le théâtre et ses possibles. J’ai créé le projet Comédie Odéon, il y a 5 ans.

Et l’œuvre d’Alexis Michalik, comment l’as-tu rencontrée ?

D’abord comme spectateur, en voyant Le porteur d’histoire. Du coup, je lui ai proposé de remonter le spectacle à Lyon avec des acteurs lyonnais. Je pensais que ce théâtre populaire de grande qualité méritait de s’installer dans notre ville pour longtemps et pas seulement d’y passer en tournée. Après 250 dates, nous avons décidé de poursuivre l’aventure en montant Intra Muros. Dans le même temps, j’ai rencontré Michel, Patricia et le Théâtre Le Public. Le lien s’est fait immédiatement. Nous avons le même goût du théâtre généreux et nous avons immédiatement décidé de nous associer sur ces reprises.

Venons-en à ta rencontre avec le Théâtre Le Public, alors ?

Ce sont des amis artistes qui nous ont présentés. Nous avons bien sûr beaucoup de connaissances communes qui avaient l’intuition que Le Public et moi avions de la route à faire ensemble. Ça s’est passé à Avignon, je suis allé voir Comédie sur un quai de gare et après, on a bu un verre. Et voilà. On s’est retrouvés devant cette vision du théâtre populaire de qualité et notre envie de jouer devant toujours plus de monde, avec ce souci d’un théâtre accessible et de qualité. Et évidemment, nous avons décidé de collaborer. Il est de ces évidences dans la vie.

Ce n’est donc pas la dernière fois que nous te verrons au Public. Pour celle-ci, tu es à la tête de Intra Muros d’Alexis Michalik. Qu’est-ce que cet auteur a que les autres n’ont pas ?

La particularité du théâtre d’Alexis, c’est qu’il est presque la transposition d’un film de cinéma. On passe d’un plan à l’autre dans un rythme effréné. Il est impossible de s’y ennuyer, ses histoires sont puissantes et même quand on n’a pas l’habitude du théâtre, on embarque directement. Il a cette capacité d’écrire des histoires qui ne sont pas que divertissantes. Comme Intra Muros, qui est à la fois une ode à la liberté, à la liberté de créer et une mise en abyme de ce que le théâtre peut apporter.

De ton premier séjour un peu long à Bruxelles, qu’as-tu envie de nous partager ?

J’ai vraiment un plaisir fou à rencontrer les comédiens belges. Particulièrement en cette période très étrange que nous traversons. Je suis admiratif de la façon dont les professionnels du théâtre en Belgique arrivent à être disciplinés tout en gardant du recul et en cherchant des solutions pour maintenir coûte que coûte leurs théâtres ouverts et à flot. Je trouve ça vraiment inspirant. Votre milieu me donne de la force.
Et puis, quand on a fini de travailler, les Belges sont tellement agréables à fréquenter. Avec eux, tout est important, mais rien n’est grave. J’adore cet état d’esprit.

À VOIR :
Intra Muros du 5.10 au 14.11.20
La plus précieuse des marchandises du 11.01 au 20.02.21

Photo © Julien Bourdel